Vous avez entendu ?

D'une voix encore entrecoupée par de brèves inspirations, l'autre répondit :

     Oui, mais je ne comprends pas.
Imogène se mit à trépimer :

  Samuel ! Vous n allez pas le laisser s'en tirer comme ça ? Je vous avertis que, si vous ne lui passez pas immédiatement les menottes, je porterai plainte contre vous !

S'il y avait une chose que Tyler n'aimait pas, c'est qu'on se permît de lui suggérer ce qu'il devait faire.

   Miss McCarthery, je suis constable depuis bientôt quarante ans et je n'ai besoin de personne pour m'apprendre mon métier ! Vous accusez ce monsieur...

   Ce monsieur ? Un misérable espion, oui !

   Miss McCarthery, je vous conseille de surveiller vos paroles car la diffamation est prévue par le Code de Justice !

   Mais puisque je vous dis que c'est un espion, sacrée de tête de mule !

   Miss McCarthery, l'outrage à agent dans l'exercice de ses fonctions existe aussi dans le Code, prenez-y garde ! Et d'abord, les espions ne volent pas des bijoux ! Alors, il faudrait s'entendre ! Ce monsieur est-il un voleur ou un espion ?

   Les deux !

Tyler s'adressa beaucoup plus aimablement à l'homme à la moustache de phoque :

   Mon devoir est de vous prier de me donner votre avis sur tout ceci, monsieur.

Je ne suis ni un voleur ni un espion, mais un paisible commerçant célibataire d'Albeiystwyth, sur a côte de Cardigan, dans le Pays de Galles...

Samuel dut s'interposer vivement car, pareille à la tigresse dont on a pris les petits, Imogène se jetait de nouveau sur le malheureux Gallois en hurlant :

  Un Gallois ! J'aurais dû m'en douter ! Il n'y a
qu'un Gallois pour oser me faire ça !

Attirés par ses cris, des habitants de Callander, flairant une distraction de choix, s'approchaient. Tyler les vit venir de loin et ne voulant pour rien au monde se trouver en butte aux sarcasmes de ses concitoyens, il pressa les combattants d'en terminer.

   En somme, miss McCarthery, vous accusez monsieur de vous avoir dérobé un objet de valeur...

   Parfaitement !

   Et vous, monsieur, vous prétendez qu'il n'en est rien ?

   Bien sûr !

   Dans ce cas, vous allez me suivre tous deux au bureau de police, le chief-constable prendra la décision qui s'impose !

A la vue dlmogène, de TVler et d'un troisième personnage inconnu, Archïoald McClostaugh, qui venait de réussir un gambit à la reine, poussa un gémissement étouffé. D'un geste rageur, il repoussa son échiquier et, d'une voix remplie d'amertume, il apostropha son adjoint :

  Samuel lyier, dites tout de suite que vous ambitionnez de prendre ma place et que, pour arriver à votre but, vous ne reculerez devant aucune manœuvre ? Qu'est-ce qui se passe encore ?

Le constable fit un rapport succinct auquel Archie ne comprit naturellement rien du tout. Miss McCarthery voulut intervenir, mais il lui intima l'ordre de se taire avec une telle violence qu'elle ne pipa mot, puis le chief s'adressa au Gallois :

   Vos nom, prénoms et qualité ?

   Herbert Flootypol, cinquante ans, né à Alberystwyth où j'haoite et où j exerce le métier de libraire près de l'université. Voici mes papiers.

Archibald les consulta et avant de les rendre se fit préciser :

   Qu'êtes-vous venu faire à Callander ?

   Me reposer car j'ai eu une mauvaise grippe cet hiver et je suis, de plus, un fervent de la pêche.

   Bon. Eh bien ! je ne vois rien là que de très naturel !

Imogène soupira avec commisération :

   Le contraire m'aurait étonnée !

   Ce qui m'aurait étonné, moi, miss McCarthery, c'est que vous vous conduisiez comme une personne raisonnable !

   Que cet individu me rende mon enveloppe» c'est tout ce que je demande !

   Quelle enveloppe ?

   Je veux dire mon bijou !

   Un bijou ou une enveloppe ?

   Les deux !

   Miss McCarthery, prenez note de ce que je vais vous confier : j'ai cinquante-sept ans, il y a trente-six ans que j'appartiens à la police et jamais encore quelqu'un ne s'est permis de se moquer d'Archibald McCIostaugh comme vous avez l'insolence de le faire ! Miss McCarthery, vous allez vider les lieux et en vitesse, sinon je vous colle en prison pour ivresse sur la voie publique !

   Hein?

   Et si vous ennuyez encore ce gentleman, je recevrai sa plainte pour vous attaquer en diffamation et je vous promets que j'y ajouterai de tels attendus que vous en aurez pour tout le reste de votre existence à lui payer des indemnités !

Mais Tyler, qui prévoyait la crise, espéra la tuer dans l'œuf en suppliant son irascible compatriote :

     Ne vous fâchez pas, miss Imogène !
Gonflée de colère, Imogène hurla :

  J'aurais dû me douter que vous n'étiez qu'un policier vénal !

McCIostaugh aurait reçu le toit sur la tête qu'il n'eût pas été plus assommé.

   Vous... vous avez bien... bien dit : vénal ?

   Ce maudit Gallois vous a acheté, c'est clair !

   Miss McCarthery, au nom de la Loi...

   Archibald McCIostaugh, à votre tour, retenez bien ceci : vous serez pendu !

Le chief-constable, quand il pensait à son avenir, envisageait bien des hypothèses, mais Jamais il n'avait prévu qu'il pourrait un jour se balancer au bout d'une corde.

  Vous serez pendu comme agent de l'ennemi et traître à la Couronne !

Imogène sortit avant qu'Archie eût repris ses esprits. Herbert s'en alla à son tour sans qu'aucun des policière lui prêtât attention. Tassé dans son fauteuil, les yeux dans le vague, marmonnant des mots qu'on n'entendait pas, McClostaugh offrait une si parfaite image de l'homme anéanti par un coup du sort que Samuel Tyier en fut bouleversé. Doucement, il appela :

     Chief...

Archie leva vers lui un regard chargé de toute la misère du monde et d'une voix creuse s'enquit :

   Constable Samuel Tyler, êtes-vous mon ami ?

   Oui, monsieur.

   Vous savez que le devoir d'un ami est de dire la vérité quelle qu'elle soit à celui qui a confiance en son jugement ?

   Oui, monsieur.

   Samuel Tyler, en votre âme et conscience, pensez-vous que je sois fou ?

   Certainement pas, monsieur.

   Vous êtes-vous déjà aperçu que je pouvais être en proie à des hallucinations auditives ?

   Jamais, monsieur.

   J'ai donc bien entendu cette grande cavale rousse m'annoncer que je serais pendu pour crime de trahison ?.

   Indiscutablement, monsieur

   Merci, Tyler... Allez nous chercher deux doubles whiskies, je crois que nous en avons besoin...

   Je le crois aussi, monsieur.

   Eh bien ! filez I Qu'attendez-vous ?

   L'argent, monsieur.

   Samuel Tyler, j'ai le regret de vous dire que vous me décevez...

Et, mettant la main à sa poche, il ajouta :

  Réflexion faite, vous prendrez un double whisky pour moi et un simple pour vous... De toute façon, il est bon que la différence hiérarchique soit respectée.

Miss McCarthery se heurta à Andrew Lyndsay au moment où elle s'y attendait le moins. Elle coupait la rue menant à la gare quand elle le rencontra. Cela lui rendit le courage que sa scène avec le chief-

   Ah ! monsieur Lyndsay, je suis bien heureuse de vous voir !

   Mais... il en est de même pour moi, miss McCarthery.

   Je vous cherche depuis l'aube !

   Depuis l'aube ?

   Ou presque. Je suis allée à Kilmahog alors que vous veniez de le quitter. Je me suis rendue aux Ancaster Arms et j'y ai appris que vous étiez parti en compagnie de Messrs Cunningham et Ross.

   En effet. Figurez-vous qu'Allan a été appelé d'urgence à Edimbourg pour voir, ou plutôt auditionner, comme il dit dans son affreux jargon, une chanteuse pleine d'avenir, paraît-il, et qui est pour l'heure pensionnaire d'un cabaret The Rose without thorns et Ross l'a accompagné.

Imogène détesta cette chanteuse inconnue par la faute de laquelle elle ne verrait pas Àllan de quelques jours, sans doute.

   Puis-je vous demander ce qui me valait l'honneur de votre visite à Kilmahog ?

   J'ai été victime d'un vol !

   Pas possible ! Que vous a-t-on dérobé ? Elle hésita un instant, puis :

   Un bijou de famille auquel je tenais beaucoup.

   J'en suis navré pour vous, chère miss McCarthery.

   Et je connais mon voleur !

   Dans ce cas, tout me paraît facile à résoudre ?

   Non pas, car la police d'ici se fait son complice.

   Vraiment ?

A la dérobée, Lyndsay jeta un coup d'œil inquiet sur sa compagne.

   fls prétendent que je n'ai pas de preuve !

   En avez-vous ?

   A la vérité, non : seulement des preuves morales.

   En justice, elles sont de peu de poids... Ma chère amie, je serais navré que cet incident fâcheux troublât vos vacances. Essayez de ne plus penser à cette pénible histoire et consolez-vous en regardant cette belle nature aui vaut tous les biioux du monde.

Ne vous fâchez pas, Imogène!: Chewing-gum et spaghetti ; Les blondes et papa ; Vous souvenez-vous de Paco ?
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